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Les leçons de l’expérience de Salvador Allende au Chili ont inspiré le centre-gauche au Brésil

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Salvador Allende quelques jours après son élection, en octobre 1970. AFP

Quels enseignements la gauche latino-américaine a-t-elle tirés du renversement du président socialiste chilien Salvador Allende, le 11 septembre 1973 ? A chaque anniversaire, les mêmes questions se posent.

L'attaque du Palais de la Moneda, le 11 septembre 1973. ARCHIVO PRENSA LATINA/AFP

En 2003, la gauche parvenait pour la première fois au pouvoir au Brésil, grâce à l'élection d'un ancien dirigeant syndical des métallurgistes, Luiz Inacio Lula da Silva, à la présidence de la République. Un de ses principaux conseillers, Marco Aurelio Garcia, était exilé au Chili pendant la présidence d'Allende. Trente ans après le coup d'Etat du général Augusto Pinochet, voici l'entretien qu'il avait accordé au Monde daté du 12 septembre 2003 :

"La principale leçon à retenir du Chili est qu'un projet de transformation politique a besoin d'un système d'alliances fort, déclare Marco Aurelio Garcia. Nous n'avons pas gagné l'élection présidentielle pour échouer au gouvernement. Or, sans stabilité gouvernementale, rien n'est possible."

Le conseiller diplomatique du président brésilien était aux premières loges à Santiago, lors du coup d'Etat du 11 septembre 1973, comme beaucoup de réfugiés latino-américains. Parmi eux, l'adversaire de M. Lula da Silva au second tour, José Serra, du Parti social-démocrate brésilien (PSDB), marié à une Chilienne.

Marco Aurelio Garcia a vu le bombardement du palais présidentiel de La Moneda depuis la terrasse de son bureau du centre-ville. Lorsqu'il est allé chercher femme et enfant, la résidence privée du président Allende, rue Tomas Moro, à 300 mètres de son propre foyer, venait d'être attaquée.

Marco Aurelio Garcia a entendu à la radio la dernière allocution présidentielle, avec une pointe d'irritation. Militant à l'époque du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), l'universitaire brésilien refusait l'aveu de la défaite et regrettait l'absence d'appel à la résistance. Aujourd'hui, membre fondateur du Parti des travailleurs (PT) de M. Lula da Silva, il ne peut écouter l'enregistrement des derniers mots de Salvador Allende sans émotion. Il partage l'admiration d'Eric Hobsbawm, comme lui historien, pour l'immense espoir et la mémorable expérience représentés par le socialiste chilien.

La tentation de la fuite en avant

Jadis, M. Garcia épousait le point de vue de l'extrême gauche, qui envisageait le 11 septembre 1973 comme l'échec d'un "projet réformiste de conciliation de classes". Désormais, il y voit une défaite plus générale, qui englobe aussi bien le MIR que la démocratie-chrétienne. Une bonne partie de la gauche chilienne était tentée par la "fuite en avant". "Nous analysions la situation sous l'optique de la Révolution russe de février 1917", ce qui plaçait Salvador Allende dans le rôle d'un Kerenski, "certes plus sympathique" . De là découlait "la problématique du double pouvoir, percevant dans la formation des "cordons industriels" l'embryon de soviets". Or, la gauche n'avait pas les moyens d'une telle perspective. Il n'y a quasiment pas eu de résistance au coup d'Etat, encore moins de guerre civile à l'espagnole, comme le fantasmaient certains.

Le prix exorbitant payé par les Chiliens amène inévitablement à s'interroger : la tragédie aurait-elle pu être évitée ?

"Le dirigeant communiste italien Enrico Berlinguer a remarqué d'emblée qu'on ne peut pas gouverner avec une faible majorité", rappelle Marco Aurelio Garcia.

"L'Unité populaire (UP), la coalition qui a assuré la victoire d'Allende, était un noyau dur important. A sa gauche, le MIR se cantonnait dans une position erronée, voulant constituer une alternative absolue, au lieu d'être le versant critique de l'UP. A droite, la démocratie-chrétienne (DC), qui avait pourtant commencé la réforme agraire, a fini dans les bras de la droite."

La question des alliances politiques

Les parlementaires de la DC avaient joint leurs voix à celles de la gauche, indispensables pour confirmer l'élection de Salvador Allende, après l'assassinat du général Schneider, le commandant de l'armée, en 1970. "Pourquoi l'alliance esquissée à cette occasion n'a pas été consolidée ?", se demande M. Garcia. Question d'autant plus pertinente aujourd'hui, sous la présidence de Ricardo Lagos, puisque la gauche chilienne gouverne en coalition avec la DC. L'alliance nécessaire et légitime pour assurer la transition vers la démocratie n'aurait-elle pas pu éviter la dictature ? L'historien brésilien voit chez les différentes forces politiques autant d'occasions perdues ou de rendez-vous ratés ("desencontros", dit-il).

Marco Aurelio Garcia sait qu'on ne réécrit pas l'histoire, mais il est permis d'en tirer les leçons. Ainsi, la gauche brésilienne place au centre de sa réflexion la question des alliances, en distinguant celles indispensables lors des élections de celles qu'il faut nouer pour gouverner. "Le gouvernement Lula n'est pas de centre gauche, mais de gauche et du centre, c'est le PT qui donne le "la"", précise M. Garcia. Avant les élections municipales de 2004, qui auront valeur de test national, il lui semble prématuré de spéculer sur l'éventuelle alliance entre le PT et le PSDB, appelée de ses vœux par le philosophe José Artur Giannotti, ami personnel de l'ancien président Fernando Henrique Cardoso.

Cependant, l'artisan de la politique extérieure du président Lula va plus loin. En ces temps de mondialisation, l'avenir de l'Amérique latine ne se joue pas sur le terrain national, mais sur celui de l'intégration régionale. "Là aussi, il faudra nouer des alliances avec des gouvernements aux origines différentes" , conclut Marco Aurelio Garcia, juste avant de prendre l'avion pour Bogota.


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